Les premiers ouvrages tibétains entrèrent dans la Bibliothèque du roi sous Louis XVI par un don, en 1777, de Clère, l'ancien médecin des armées de l'impératrice de Russie, mais ce n'est que dans le courant du XIXe siècle qu'une collection fut vraiment constituée par des achats chez des libraires, des ventes ou des dons d'orientalistes (Jules Klaproth, Philippe-Édouard Foucaux, Paul-Richard Deblenne) ; ou bien par des envois d'Orient comme celui du provicaire apostolique du Tibet, l'abbé Desgodins, en 1880 ; ou encore de Dutreuil de Rhins en 1893, ainsi que du gouverneur général de l'Indochine en 1904. En 1835, pour fêter sa récente création (1822), la Société Asiatique de Paris recevait de la Royal Asiatic Society of Bengal les collections du Kanjur de Narthang, canon bouddhique tibétain, qui furent déposées en 1840 à la Bibliothèque. En 1873, le fonds tibétain comptait 125 numéros. Mêlés aux textes mongols jusqu'en 1914 pour former un fonds « tibétain-mongol », les ouvrages tibétains en furent séparés à cette date et constituèrent le fonds « tibétain ». On en comptait alors 520. En 1932, la collection de manuscrits sanscrits, bengalis et tibétains réunie par Palmyr Cordier de 1898 à 1902 fut acquise par la Bibliothèque. Plus tard, vint s'ajouter un dépôt du musée Guimet. Le fonds tibétain comporte actuellement 1 269 cotes, correspondant à 1 506 volumes de xylographes et 333 manuscrits ; un même volume contient souvent plusieurs textes.
La composition du fonds est très variée. On y trouve d'abord des ouvrages bouddhiques et religieux : les deux grands canons des Écritures, le Kanjur (recueil de sutras bouddhiques) et le Tanjur (recueil de commentaires), la collection du Rin chen gter njod, celle des traités des Mdo-mam ; des textes Bon-po ; le Tripitaka tibétain ; de nombreux textes de la Prajñaparamita ; des ouvrages sur les rites propitiatoires, ainsi que des traductions en tibétain des Évangiles selon saint Mathieu et saint Luc. Parmi les ouvrages profanes, figurent des légendes et épopées (Gésar), des exposés géographiques et des guides de pèlerinage, des ouvrages de musique et de poésie ; des généalogies royales, des annales et des chroniques historiques, des lettres de grands dignitaires ; des traités sur diverses techniques (agriculture, confection de statues, porcelaine, thé) ; de nombreux textes administratifs, commerciaux (contrats), des ouvrages de comptabilité, des textes juridiques, des coutumiers ; enfin, des ouvrages lexicographiques, des éditions en plusieurs langues, des vocabulaires et des dictionnaires.
Plusieurs langues sont représentées dans ce fonds : tibétain, chinois, turc, mongol, sanscrit, zan'zun, mandchou, tangout, russe, latin, italien, anglais. On y trouve également plusieurs écritures tibétaines : dbu can (capitale), employée pour l'impression et pour les manuscrits de luxe ; dbu med ('khyug yig, dpe yig et 'bam yig cursive) employée pour les manuscrits ordinaires, les pièces officielles et la correspondance.
C'est surtout à Palmyr Cordier que l'on doit d'avoir entrepris l'inventaire du fonds tibétain. Une première liste en avait été faite dans le premier volume des « Fonds orientaux. Langues diverses » avec les ouvrages mongols. Dès la fin du xixe siècle, le savant hongrois Csoma de Körös avait donné la traduction d'un fragment du Kanjur, traduit en français en 1881 par Léon Feer, et un abrégé des matières du Tanjur (1882).
En 1909 et en 1915, Palmyr Cordier donnait le Catalogue du fonds tibétain de la Bibliothèque nationale, pour le Tanjur de Pékin (vol. II et III ; le premier volume n'a jamais paru). En 1931, Marcelle Lalou publiait la quatrième partie du Catalogue (Les Mdo-man) et, en 1933, le Répertoire du Tanjur d'après le catalogue de P. Cordier.
Après l'acquisition par la Bibliothèque des manuscrits de P. Cordier, le catalogue de cette collection fut réalisé en 1934 par Jean Filliozat. Par ailleurs, le catalogue du fonds tibétain fut repris : commencé par J. Filliozat en 1936, et poursuivi par Marie-Roberte Guignard et Aliette Silburn, il compte aujourd'hui trois volumes mais n'est pas publié. L'« Inventaire sommaire des fonds divers orientaux » donne la liste de 541 manuscrits et xylographes tibétains. Le Kanjur de Narthang conservé à la Bibliothèque (Tibétain 360-459) est décrit dans une copie, de la main de Philippe Édouard Foucaux, du catalogue du baron Schilling de Canstadt : « Index de Gangdjour imprimé dans le couvent de Goumboum dans le Tibet ». On doit aussi mentionner les récents travaux de Samtem G. Karmay, notamment son Catalogue of Bon-po Publications, concernant le fonds tibétain de la Bibliothèque nationale de France.
Une « Liste alphabétique des manuscrits du fonds tibétain de la Bibliothèque Nationale » et une « Liste alphabétique des travaux européens et des ouvrages sans titres classés par matière » ont été constituées par Aliette Silburn, ainsi qu'un « Index des manuscrits et xylographes du fonds tibétain », avec renvois aux cotes. Enfin, la grande collection de 63 volumes de textes tibétains concernant le lamaïsme de la secte non réformée, le Rin chen gter mjod (Tibétain 886), a été décrite dans un catalogue spécial par Aliette Silburn.
Le Kanjur, recueil des paroles de Bouddha, comprend sept grandes divisions : 1. Dulva ou Discipline (13 vol.) 2. Çer-Phyin ou Sagesse transcendante (21 vol.) 3. Phal-Chen ou Communauté bouddhique (6 vol.) 4. Dkon Brcegs ou Amas de Joyaux (6 vol.) 5. Mdo-Sde, aphorismes ou traités, science et littérature (30 vol.) 6. Myan, Das, Délivrance de la peine (2 vol.) 7. Rgyud, doctrine mystique ; charmes (22 vol.). Au total, 100 volumes.
Le Tanjur comprend deux divisions : 1. Le Mdo'Grel, traités (136 vol.) 2. Le Rgyud'Grel, rituels et cérémonies tantriques ; charmes ; doctrine mystique (87 vol.). Au total, 223 volumes.