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Pelliot (autres collections)

Pelliot (autres collections) : Présentation de la collection
Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits

Présentation du contenu

Pelliot koutchéen

Pelliot chinois Douldour Aqour

Pelliot khotanais

Pelliot ouigour

Pelliot sanscrit

Pelliot sogdien

Pelliot xixia

La mission Paul Pelliot en Asie centrale et l'organisation des fonds

Rédigé par Monique Cohen

La mission de Paul Pelliot en Asie centrale (1906-1908)


Alors que les premières explorations scientifiques de l'Asie centrale remontent à la seconde moitié du xixe siècle, il faut attendre 1905 pour que la France envoie enfin une mission dans cette région du monde. Dès 1894, le Suédois Sven Hedin avait ouvert la voie, parcourant la partie méridionale de l'Asie centrale et, en 1898, l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg avait envoyé une mission dirigée par le docteur Dimitri Klementz pour explorer la région de Turfan. L'Angleterre (ou plus exactement le gouvernement de l'Inde) avait à son tour, de 1900 à 1902, chargé le docteur Mark Aurel Stein d'une mission à Kachgar et à Khotan. Celui-ci dirigea par la suite deux autres missions dont l'une, en 1906-1908, le conduisit à Dunhuang. L'Allemagne, pour sa part, avait organisé l'expédition d'Albert Grünwedel à Turfan et dans sa région en 1902-1903, celle d'Albert von Le Coq en 1904-1905, puis celle de Grünwedel et von Le Coq en 1905-1907.


Les résultats fructueux des premières missions archéologiques suscitèrent un vif intérêt et une association internationale pour l'exploration de l'Asie centrale et de l'Extrême-Orient fut fondée à Saint-Pétersbourg avec des branches nationales dans plusieurs pays. En 1905, le Comité de l'Asie française, appuyé par l'Institut, le ministère de l'Instruction publique, le Muséum d'histoire naturelle et la Société de géographie avait décidé l'envoi d'une mission dont la direction fut confiée à Paul Pelliot, alors professeur de chinois à l'École française d'Extrême-Orient. Il assurait la partie archéologique, linguistique et historique, alors que le docteur Louis Vaillant, médecin de l'armée coloniale, était chargé de la topographie, de l'astronomie de campagne et de l'histoire naturelle. Charles Nouette, photographe, était responsable de la documentation photographique de l'expédition. La mission quitta Paris le 15 juin 1906, par le train, pour atteindre Tachkent le 25 juin. Le chemin de fer la conduisit ensuite jusqu'à Andidjan dans le Ferghana. Le convoi, constitué de vingt-quatre chevaux de bât et de cinq chevaux de selle, accompagné de deux Cosaques, se mit en route le 11 août et parvint à Kachgar à la fin du mois alors qu'Aurel Stein s'y trouvait depuis juin. La mission y séjourna jusqu'au 17 octobre et apprit que les grottes bouddhiques de Koutcha, l'un de ses buts majeurs, avaient été soigneusement visitées par les Allemands, les Japonais et les Russes quelques mois plus tôt. À Kachgar, Pelliot entreprit des fouilles dans les Trois Grottes et les ruines de Tegurman, puis il poursuivit à trois cents kilomètres à l'est jusqu'à Toumchouq qu'il atteignit le 30 octobre. C'est là qu'il mit au jour un vaste sanctuaire bouddhique que Sven Hedin n'avait pas identifié et qu'il effectua ses premières trouvailles archéologiques intéressantes.


Quittant Toumchouq le 15 décembre, il atteignit l'oasis de Koutcha le 2 janvier 1907. Délaissant les grottes bouddhiques déjà explorées, il s'intéressa aux sites isolés, tels le couvent de Douldour-âqour proche de Qoumtoura au sud (16 mars-22 mai) et Soubachi au nord-est (10 juin-24 juillet). La moisson archéologique fut aussi riche qu'à Toumchouq : au pied du mur du couvent de Douldour-âqour furent trouvés les premiers manuscrits en brahmi — fragments épars d'une bibliothèque monastique — qui constituent désormais l'essentiel des fonds Pelliot sanscrit et Pelliot koutchéen. D'autres lieux du site (porte d'entrée, corridor, grande cour) livrèrent plus de 200 fragments en chinois qui constituent la série Pelliot chinois Douldour-âqour.


De Soubachi, Pelliot rapporta un ensemble de 11 lamelles et de 208 fragments de bois de peuplier portant le texte sanscrit de l'Udanavarga, qui fait actuellement partie du fonds Pelliot sanscrit. Enfin, au nord-ouest de Koutcha, le site de Saldirang lui livra un ensemble de planchettes de bois inscrites en koutchéen et des laissez-passer de caravanes. L'oasis de Shazhou et l'ensemble de grottes bouddhiques proches de la ville de Dunhuang était le but ultime de la mission en Asie centrale. Pelliot l'atteignit le 12 février 1908, après une étape à Urumqi, où il avait eu vent de la découverte sur le site de Dunhuang d'une grotte-bibliothèque murée et appris qu'Aurel Stein y avait acquis manuscrits et peintures quelques mois plus tôt. Il y séjourna jusqu'au 7 juin.


Parvenu trop tard aux grottes de Koutcha, il ne s'y était pas attardé, de même à Qyzyl et à Turfan. À Dunhuang, les Grottes des Mille Bouddhas (Qianfodong) ne le déçurent pas. Dès sa première visite, il jugea de l'intérêt exceptionnel des peintures qui ornaient les grottes. Il entreprit aussitôt une étude qui confirma sa première impression. Parmi plus de 500 grottes creusées dans la falaise de loess, plusieurs conservaient en assez bon état leurs décorations originales datant du vie au xe siècle. Un an plus tôt, Mark Aurel Stein avait visité ce site resté vierge. Paul Pelliot dressa un relevé des grottes, les numérota, en fit établir l'inventaire photographique systématique par Charles Nouette, recopia toutes les inscriptions et les cartouches et décrivit les peintures de chacune.


Il n'eut accès à la grotte murée (n° 163 selon la numérotation de Pelliot, n° 17 selon la numérotation actuelle due à l'Institut d'art de Dunhuang) dont Wang Yuanlu, le moine taoïste gardien des lieux, détenait la clef, que le 3 mars. Sa surprise fut grande de constater à la fois la quantité et la qualité de ce qui restait après le passage de Stein : grandes peintures sur soie, sur chanvre ou sur papier, manuscrits en chinois, en tibétain, en sanscrit, en ouïgour. En trois semaines, Pelliot ouvrit entre 15 000 et 20 000 rouleaux ou liasses, sélectionnant tous les documents copiés dans des écritures non-chinoises : en tibétain, en brahmi, en ouïgour. Parmi les rouleaux en chinois, il choisit tous les textes qui apportaient quelque chose de nouveau : textes religieux, documents d'intérêt local, littérature profane. Les impressions xylographiques retinrent son attention. Dès le 26 mars, sur le site même des Grottes des Mille Bouddhas, il rédigea une longue lettre adressée à Émile Senart, membre de l'Institut et président du Comité de l'Asie française. Publiée l'année même, dans le tome VIII du Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, elle fit connaître au monde savant l'exceptionnelle richesse de la bibliothèque murée, jusque-là jugée de peu d'intérêt.


Quelques jours plus tard, dégageant deux grottes plus au nord (nos 181 et 182 de Pelliot, actuels nos 465 et 464), Pelliot mit au jour des manuscrits et des imprimés chinois, tibétains, ouïgours et xixias. Il acquit à prix d'argent l'essentiel de ce qu'il jugeait important. Statues et grandes peintures sur soie furent déposées au musée du Louvre, puis transférées au musée Guimet lors de la réorganisation de ce dernier en 1945. C'est là qu'elles sont aujourd'hui conservées. Manuscrits et imprimés entrèrent dans les collections de la Bibliothèque nationale le 26 avril 1910.


Quittant Shazhou le 7 juin 1908, la caravane atteignit Xi'an, l'ancienne capitale des Tang (618-907) le 28 septembre et y séjourna un mois, « réunissant des livres et des antiquités ». Pelliot y fit lever plus de 3 000 feuilles d'estampages, d'après la célèbre collection dite de la « Forêt des Stèles », qui constituent l'essentiel du fonds d'Estampages chinois (voir p. 116).


Après un voyage de plus de deux ans effectué à cheval à travers l'Asie centrale, la mission retrouva le chemin de fer à Zhengzhou et arriva à Pékin en octobre. Tandis que ses compagnons de route s'étaient embarqués pour la France, chargés du produit de la mission, Pelliot resta encore quelque temps à Pékin et à Shanghai où il acheta une bibliothèque d'étude de plus de 30 000 volumes destinée à la Bibliothèque nationale. Elle constitue actuellement les fonds Pelliot A et Pelliot B (voir p. 114). Parmi les manuscrits trouvés à Dunhuang, Pelliot avait retenu quelques pièces afin de les présenter aux lettrés de la capitale chinoise. Ces documents furent alors photographiés pour être reproduits en fac-similé.


Le résultat de cette mission est exceptionnel. Le Muséum d'histoire naturelle reçut « des échantillons géologiques, un herbier de 800 plantes, 200 oiseaux, des mammifères, des insectes ». Les vestiges archéologiques — statues, fresques, objets, mais surtout l'extraordinaire collection de plus de 200 peintures et bannières, furent déposés au musée du Louvre, puis transférés au musée Guimet en 1945-1946. Celui-ci conserve également les plaques de verre — plusieurs milliers — des photographies prises par Charles Nouette, ainsi que les « carnets » où Pelliot notait scrupuleusement chaque trouvaille, chaque inscription. Plusieurs milliers de monnaies découvertes ou acquises tout au long du parcours de la mission, mais surtout dans l'oasis de Koutcha, sont aussi au musée Guimet. Le Cabinet des monnaies et médailles de la Bibliothèque nationale s'en est vu attribuer une centaine dont la plupart, datées de 621 à 783, proviennent de la fouille de Karich, à l'est de Soubachi, dans l'oasis de Koutcha. Le département des Manuscrits reçut le plus riche des accroissements, enregistré le 26 avril 1910, qu'aient connu ses collections orientales : plus de 6 000 manuscrits et quelques imprimés antérieurs à 1035, en chinois, tibétain, koutchéen, sanscrit, ouïgour, sogdien ou khotanais, mais aussi des fragments d'imprimés en xixia, en mongol et en tibétain.

Organisation des fonds


La plupart de ces documents étaient soit en chinois, soit en tibétain, et leur cotation fut entreprise rapidement par Pelliot pour le chinois, puis par Jacques Bacot et surtout Marcelle Lalou pour le tibétain. Pelliot avait ouvert un registre d'inventaire intitulé « Manuscrits de Touen-houang » (Dunhuang) sans répartir les documents en fonds selon les diverses langues représentées. Il avait laissé libres les 2 000 premiers numéros, les réservant aux manuscrits en tibétain, et avait commencé à inscrire les rouleaux chinois à partir du numéro 2001. La première mention de chaque notice était la langue ou à défaut l'écriture (brahmi) du document. Lui-même avait inscrit certains manuscrits « importants » en ouïgour, sous le numéro 3509 ou en brahmi, numéro 3510.


La création de fonds spécifiques par langue est attestée par le premier volume de l'Inventaire des manuscrits tibétains (Fonds Pelliot tibétain) donné par Marcelle Lalou en 1939. Il semblerait que par « dérive » les anciennes cotes attribuées par Pelliot (« Manuscrits de Touen-houang ») soient devenues systématiquement « Pelliot chinois » en gardant le même numéro. C'est ainsi que certains manuscrits non-chinois portent actuellement des numéros du fonds Pelliot chinois. Le seul texte en hébreu trouvé à Dunhuang a été coté dans le fonds hébreu (n° 1412). D'autre part, du fait de la réutilisation des versos, les manuscrits comportant des textes en plusieurs langues ne sont pas rares. Ils furent le plus souvent cotés dans le fonds correspondant à la langue « la plus commune », c'est-à-dire le chinois. Au fur et à mesure que les identifications progressaient, ils furent reversés dans les fonds spécifiques nouvellement créés.


Il fallut attendre le déchiffrement du koutchéen par Sylvain Lévi, du sogdien par Robert Gauthiot, le tri et l'identification de près de 4 000 fragments en sanscrit par Bernard Pauly, le déchiffrement du xixia, pour que les inventaires s'organisent. Tous ne sont pas encore terminés. Certains fonds, constitués de fragments, sont cotés en séries qui visent à reconstituer des ensembles de textes. C'est le cas des fonds Pelliot sanscrit ou Pelliot koutchéen, alors que les lieux de trouvaille ne sont pas toujours précisés dans la cotation.


Il a semblé indispensable de replacer, même un peu longuement, cette masse énorme de documents dans le contexte historique, géographique et chronologique de leur récolte avant de donner, pour chaque fonds, les explications nécessaires à la compréhension de leur cotation, ainsi que l'historique et l'état de leurs inventaires. Tous les documents, même en l'absence d'inventaire, ont été systématiquement microfilmés pour faciliter l'accès à ces collections très fragiles.

Informations sur le traitement

Notice rédigée par Annie Berthier et encodée par Laurent Héricher